La fatigue a engourdi mes mains, mes jambes, endormi mes pensées.
Une musique de mon enfance tourbillonne dans l’air, je la fredonne malgré moi et les mots me reviennent.
Mes yeux ne résistent plus, ils se laissent aller doucement. Et tout le reste suit.
Je ne suis plus ici
Je ne suis plus maintenant
Je ne suis plus peine
Je redeviens enfant.
Et, sous mes paupières se dessine un cheval de bois qui monte et qui descend,
un sourire qui revient à chaque tournant.
Sous mes paupières se réveille une gamine qui court de marchand en marchand pour trouver la corde à sauter, celle qui viendra l’accompagner la semaine durant.
Sous mes paupières, j’entends le rire tonitruant de ma mère, celui que j’entendais tout le temps et que je n’entends plus si souvent.
Sous mes paupières, je sens l’odeur de mon enfance,
les madeleines de ma mère,
l’herbe coupée sous la tondeuse de mon père
le caramel qui fond chez Tété
la boue de la forêt sous mes pieds
le sucre de la barbe à papa,
le gâteau au chocolat.
Sous mes paupières, j’entends le cri de la bagarre
Des surnoms criés
De la complicité
J’entends mes frères qui s’aiment au hasard.
J’entends mes frères qui se préfèrent.
Sous mes paupières j’entends piailler Christelle et Aurélie
Et Rébecca qui me sermonne sur la vie
Frédéric et son audace qui rivalise avec son sarcasme
Christophe et son syndicalisme
Et Ludovic et son charisme
Sous mes paupières, renaît le visage de mon père
Ses petites traces rouges, trahissant sa maladresse
Ses lunettes trop sombres, trop sales
Ses yeux vrais, rieurs, pleins de tendresse
Et son cœur grand ouvert
Quand il m’aperçoit.
Et là, sous mes paupières, je refais ce geste d’un autre monde
Celui de la joie qui inonde.
J’applaudis frénétiquement.
J’applaudis mon père
J’applaudis ma mère
J’applaudis la barbe à papa et le gâteau au chocolat.
Sous mes paupières, fini la mélancolie.
Sous mes paupières, j’applaudis la vie.
댓글